Assis dans une touffe d'herbe jeune, un poisson collé dans le dos, son visage rieur penché sur un bloc note, Hugues, le 1er avril, peaufinait le programme de sa fête annuelle.

Noël, le 25 décembre, un homme lourd et imposant, se dirigeait vers lui. Il s'arrêta sans bruit et lut par dessus son épaule.

« Et bien mon bon Hugues, je vois que tu ne feras pas dans la finesse cette année non plus, maugréa-t'il.

-Noël ! Ça fait un bail qu'on ne s'est pas vu, heureusement je suis en contact avec Étienne, ton voisin, il me parle souvent de toi tu sais ?

-Je me fous de ce que ce jour sans intérêt pense de moi », fulmina le gros homme, puis il baissa la voix et rapprocha son immense carcasse du frêle 1er avril : « Hugues, toi et moi sommes les plus anciens ici, nous devons parler sérieusement.

-Que peut un humble farceur pour le jour le plus attendu de l'année ? Demanda Hugues peu impressionné par son imposant interlocuteur.

-Tu as certainement entendu parler des... il hésita, comment dire ? Des envahisseurs ?

-Des mouches ? Oui elles commencent à sortir par ici, elles viennent jusqu'à chez toi ? Demanda Hugues de son air naïvement hilare.

-Hugues ! Hurla Noël, le sujet est sérieux, concentre toi s'il te plait tu dois bien en être capable ?

-Des envahisseurs ? Mais de quoi parles tu ? Hugues secoua la tête, la conversation prenait un ton qui n'était pas de son goût.

-Halloween, Thanksgiving? Tu as dû entendre parler de ces jours qui débarquent et volent la vedette aux honnêtes fêtes de l'année? Grogna Noël, en fronçant ses énormes sourcils blancs.

-Oui, ils habitent vers chez toi je crois, répondit Hugues en se replongeant dans son programme.

-Respectivement le 30 octobre et le 24 novembre, récita Noël en se redressant.

-A coté de Défunts et Toussaint ? J'espère qu'il n'est pas dépressif Halloween, hurla Hugues en éclatant de rire.

-C'est justement mon propos ! » Gronda Noël en approchant son visage si près de celui du petit Hugues qu'il l'aspergea de postillons. « Si tu savais le tort que fait cet Halloween à Toussaint depuis quelques années, les jeunes générations, enivrées qu'elles sont par ces fêtes païennes ne viennent plus célébrer leurs morts !

-Oh, jouer à se faire peur plutôt que pleurer pour de vrai ? Je comprends les jeunes générations Noël. » rétorqua Hugues en s'éloignant en prévision du courroux prochain de son gros interlocuteur. « Et puis, je trouve ta mémoire bien courte concernant les fêtes païennes ». Rajouta-t'il dans un souffle.

A sa surprise, Noël se radoucit, il s'assit sur un rocher à coté d'Hugues et prit un ton de confidences :

« Sais-tu qu'il y en a même un, Aïd-el-Kébir qu'il s'appelle, qui ne tombe jamais le même jour d'année en année. Tu pourrais bien le voir débarquer chez toi sans prévenir !

-Oui, c'est comme les fêtes pascales, ce n'est pas nouveau, cette année je cohabite avec Les Rameaux, tu sais bien, rétorqua Hugues en montrant un homme au chapeau de paille en train de tailler un olivier.

A cours d'arguments, Noël redressa son buste massif et réfléchit un instant.

« Ce gars là, Thanksgiving, il réunit les amis, les familles afin qu'ils se disent qu'ils s'aiment en mangeant de la dinde ».

Hugues, qui ne savait quoi répondre se contenta de secouer la tête.

« Bientôt ils s 'offriront des cadeaux, et je serai relégué au rang de simple fête religieuse, siffla Noël entre ses dents, un bras pointant d'invisibles familles célébrant Thanksgiving en s'offrant des cadeaux.

« Noël, reprit Hugues, tu es bien placé pour savoir que nous ne choisissons pas notre degrés de popularité, et tu as plus que profité de ta réhabilitation chrétienne. Le petit Jésus, sans qui tu ne serais rien, avait à l'époque pour symbole le poisson si tu te souviens bien.

Noël se leva d'un bond : « Tu ne vas pas remettre ça, espèce d'enfant gâté ! Hurla t'il.

-Ce n'est pas nous qui choisissons, répéta Hugues, amer.

-J'aurais dû me douter que je n'obtiendrais rien de toi ». Puis il lança en s'éloignant :

« Je vais voir Jeanne d'Arc, elle au moins elle m'écoutera. »